En dépit des temps obscurs, une sensation prégnante d’optimisme s’empare de mes pensées.
Je m’explique : face aux aberrations et aux injustices que traverse le pays, j’étais au fond du trou et m’apprêtais à désespérer de manière définitive. Puis, contre toute attente, et comme cela arrive parfois, l’instinct de survie, les vertus ensevelies de la beauté et de l’espoir, se sont révélées à mon esprit.
C’est alors que l’évidence s’est inversée à mes yeux : en y regardant de plus près, on ne peut qu’aimer et respecter le peuple libanais.
Depuis des décennies, ce peuple patauge dans la souffrance. Durant tout ce temps, il a manipulé et il s’est laissé manipulé.
Mais, aujourd’hui, il apparaît comme une évidence que le peuple Libanais a appris à résister aux épreuves.
Je ne parle pas des politicards, ni des mercenaires ou des fanatiques de tout bord qui, par tous les moyens possibles, cherchent encore et toujours à déstabiliser le pays.
Je parle du bon peuple, le vrai peuple, le peuple du Liban. Tous ces gens anonymes et toutes ces familles, de toute région et de toute confession, qui veulent vaquer à leur besognes, subvenir aux besoins de leur foyer, passer du bon temps, vivre en paix et rendre grâce au seigneur. Que cela tombe un vendredi ou un dimanche, peu importe, pourvu que cela se passe sous le ciel du Liban.
Unis dans la douleur, ces Libanais là ont compris bien avant leur leaders.
Ils ont tiré les leçons des errements du passé, ils ont déchanté des sérénades doctrinales erronées, ils ont assez donné d’enfants pour savoir de quoi ils parlent.
Fort de son histoire récente et de ses souffrances lancinantes, meurtri par les souvenirs amers et les absurdités de la guerre, le peuple ne veut plus s’auto-détruire, il veut juste, si j’ose dire, se reposer en paix…
Malgré toutes les manigances politiciennes, malgré la cristallisation sur le sol Libanais des crises religieuses et politiques de la région, malgré le feu nourri d’étincelles visant à embraser le pays, le peuple lui, douloureusement averti, résiste admirablement et ne se laisse plus emporter par les vagues meurtrières.
Il espère secrètement qu’un jour il rétablira les ponts entre les régions et les communautés, qu’il pourra de nouveau se vanter de la beauté, de la liberté, et de la diversité de sa patrie.
Car ce pays est pionnier. La souffrance de son peuple est comme un laboratoire où l’on expérimente les limites de la souffrance humaine. De ce laboratoire, où les Libanais servent de cobayes, sortira un jour un peuple transfiguré et renforcé.
Le Libanais d’hier a innové dans toutes les formes de sauvagerie et de destruction, mais le peuple s’il tient bon, innovera demain dans toutes les formes de résistance pacifique, de mutation des consciences et de résurrection du pardon.
Le Libanais d’hier subissait docilement, se laissant emporter par des conflits haineux et aveugles, prenant facilement les armes et commettant l’irréparable. En même temps qu’il perdait sa pureté et son innocence, il perdait aussi sa naïveté et sa crédulité.
C’est pourquoi, le Libanais d’aujourd’hui, n’entend plus céder aux pressions en tout genre. Il continue certes de subir toutes les formes de corruption, mais cette fois-ci, il le fait en tant que résistant, fidèle aux préceptes nouveaux que lui a inculqué un conflit sanglant et barbare, n’ayant que trop duré.
C’est au prix fort que chaque Libanais a payé l’acquisition de sa conscience citoyenne, encore naissante.
Désormais, les citoyens Libanais lambda, eux qui sont les dépositaires de l’âme véritable de ce pays, sont plus que jamais préparés à résister à la folie guerrière, pour qu’advienne enfin le jour où les pressions extérieures céderont et où les démons intérieurs s’estomperont.
Ce jour là, la boue et la misère seront lavées.
Ce jour là, la force et la grandeur d’âme de chaque Libanais se révéleront au yeux du monde…
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