Impuissance, déliquescence, décadence de la société.
Où sont passées les composantes de l’humanité ?
Y a-t-il encore quelque chose à comprendre ?
Existe-t-il ce drapeau qui mérite d’être planté ?
À quoi sert une religion qui n’est pas manifestée, ni vécue, ni respectée ?
Pourquoi des créatures abjectes dirigent-elles le pays de mes ancêtres, mon destin et ma volonté ?
Pourquoi je me laisse mener sans broncher ?
Ai-je été complice ? Ai-je souvent fermé les yeux ?
Où est passée la défense des valeurs, des bonnes causes et de la dignité ?
Ai-je participé à la destruction de mon identité ?
Que valent ces jours gris, moribonds et furtifs, que je laisse filer ?
Mon pays est en ruines, mes compatriotes sont éparpillés. À l’intérieur ils se divisent, à l’extérieur ils font tout pour oublier.
Comment faire cesser la lutte fratricide, la faillite de l’éthique, le fanatisme religieux, l’infamie politique et la culpabilité ?
Où sont passés ma raison, mon éducation, mes idéaux d’enfant et ma fierté ?
C’est quoi ce Liban ? Quelle force, quelle tradition et quelle valeur lui ai-je insufflé durant ces années ?
Je me suis laissé malmener par des abrutis avides de sang, d’argent et de titres. Je leur courbe l’échine sans me relever.
Ils se gavent massivement d’aides extérieures et de contrats frauduleux.
Ils entretiennent mon indigence et s’assurent mon allégeance avec les miettes des sommes qu’ils ont détournées.
Endoctriné, manipulé, je m’accroche à d’hypothétiques politiques étrangères qui viendraient me sauver.
J’ai perdu ma conscience citoyenne, je ne connais plus mes droits, ni mes devoirs, tant ma vision est détériorée.
Les gens de mon pays ne savent plus ce que représentent la légalité et l’égalité, car cela fait une génération entière que les gouvernements successifs ne les ont pas appliquées.
À l’unité de mon pays je ne donne pas l’exclusivité. Je préfère les pots-de-vin de mon zaïm, pour m’en sortir et épater le voisin de la confession d’à côté.
J’abolis sans scrupules les chances d’une révolution, en préférant la confession à la nation, sans jamais sourciller.
Je me pare d’un humour bravache pour barrer la route à l’introspection, et je fais la fiesta pour oublier ma lâcheté.
Je déifie l’argent, me convainquant qu’il peut tout exaucer, tout acheter, tout régler, tout remplacer.
J’ignore totalement la véritable histoire de mon pays, je n’en connais que les versions tronquées, et les théories douteuses martelées par les « chefs » de mon clan, les « dignitaires » de ma confession, ou les dirigeants étrangers.
Les révolutions sanglantes qui ont bâti l’histoire des peuples ne m’inspirent plus. Je leur préfère les compromissions éhontées.
Je laisse à des puissances étrangères toute la labilité de séquestrer mon avenir, de s’approprier ma patrie et ma souveraineté.
Il est vrai que par le passé, j’ai vu tomber des milliers de mes compatriotes, toutes confessions confondues, pour des luttes préfabriquées, des idéaux déformés et finalement récupérés.
J’ai trahi les martyrs de mon pays, car j’ai perdu la foi qu’ils avaient. Je n’ai plus la force de défendre les valeurs pour lesquelles ils se sont sacrifiés.
C’est comme cela que j’ai perdu toute possibilité de redresser mon pays ou de reprendre en main ma destinée.
Je ne suis plus qu’un citoyen fantôme.
Je ne fais que rabâcher la fierté d’être libanais, prétendant que ce pays est grandiose, m’accrochant à son existence millénaire et à sa beauté créée.
Pauvre Liban, triste bilan pour une si belle contrée.
Mon utopie chérie est mutilée, elle n’est plus que l’avorton de mon cœur brisé.
Je suis un citoyen au bois dormant.
Je suis un cèdre au bois mité.
Si tous les citoyens viennent à pourrir, les cèdres seront coupés, et jetés au feu pour l’éternité.
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