Il savait que l’individualisme allait manger l’humanisme, que l’égo allait diviser les égaux.
Il savait que l’intelligence allait se mesurer en points de QI, que le bonheur allait se compter en milliards de dollars.
Il savait qu’un jour viendra où fort équivaudra à intelligent et honnête sera synonyme de con.
Il savait que la fin justifiera les moyens, que les promesses n’engageront plus que ceux qui les croient.
Il savait que les divorces allaient pulluler. Certains divorces se faisant à l’initiative d’un partenaire qui ne reconnaît pas ses torts, d’autres se faisant à l’initiative d’un partenaire qui est incapable de pardonner.
Il savait que la consommation des biens matériels épuisera les ressources de la terre, que la robotique et le numérique allaient supplanter le traditionnel et l’humain.
Que les hommes seront adulés sur des pelouses et les Dieux délaissés dans des lieux de culte.
Il savait que les hôtels seront préférés aux autels, que l’ostentation sera préférée au partage, que la paresse sera préférée à l’effort, que l’effort sera préféré à la prière.
Il savait que les boulevards de l’enfer seront pavés de belles intentions, que les âmes en réseau seront verrouillées comme des bouches d’égout, que la beauté sera sexuelle, que la sexualité sera banale, que la banalité sera habitude, que l’habitude sera de fuir ses responsabilités.
Tout cela il le savait.
Dès le départ il le savait.
Il savait que l’homme déboussolé, perverti, exsangue, sera, par éclairs, soulagé par de furtives notes de musique, apaisé par un rayon de soleil, enchanté par le sourire d’un enfant, charmé par le vol d’un papillon, bouleversé à l’écoute d’une vérité, comblé par la splendeur d’un paysage, en quête inlassable de moments authentiques et d’événements inspirés.
Tout cela il le savait, et c’est bien pour cela qu’il a dit : « heureux les pauvres en esprit… »
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