Ils se consultent pour distribuer les manettes du pouvoir, sans se soucier du peuple qui crève, parce que le peuple leur est soumis.
Il est vrai que ce peuple se plaint, se lamente, et parfois même les insulte, mais il finit toujours par les suivre.
C’est donc tout naturellement qu’ils n’accordent aucune considération au peuple.
Ils paradent, font des déclarations solennelles, affichent effrontément leur ignorance. Cela fait longtemps qu’ils ont remplacé l’État de droit par le droit de tout dire et de faire n’importe quoi, sans que la justice moribonde et les médias gangrenés ne puissent les perturber.
Ils sont convaincus que personne ne peut les arrêter.
Ils ont des complices sur toutes les places.
L’armée ne peut pas intervenir puisqu’ils ont remplacé l’armée de métier par une armée d’obligés et d’assistés, la privant de toute autonomie et de toute autorité.
Ce sont leurs milices et leurs hommes de main qui détiennent le vrai pouvoir, le pouvoir d’intimider le peuple pour peu qu’il relève la tête et de le réprimer pour peu qu’il lève le petit doigt.
Ils ont confectionné l’ensemble des institutions à leur image et leur image est démoniaque. Pour eux, le bien public, et même le bien en général, est une notion inconnue.
Ils ont placé des pions dans de nombreuses familles, que ce pion soit un fonctionnaire, un travailleur, un soldat, un agent ou un chauffeur. Ils disposent leurs pions et manipulent leurs gens comme des marionnettes.
Ils n’ont aucun intérêt à en couper les fils. L’idée de suspendre l’exploitation du peuple ne traverse même pas leur esprit.
C’est bien le peuple qui a accepté un système électoral incohérent, clivant et absurde.
C’est bien le peuple qui a accepté un système où le député est jugé à l’aune de sa capacité à arroser chaque électeur de son clan en liquide sonnant et trébuchant et non sur son expertise, son intégrité et sa capacité à servir la collectivité et la nation.
C’est bien le peuple qui a plus ou moins fermé les yeux sur un système bancaire qui ressemblait étrangement à une usine à gaz, alimentée par la manne financière destinée à redresser le pays, sans trop se poser la question de la nécessité d’investir une équipe capable de mener une véritable politique économique de redressement, une politique basée sur la créativité et le travail et non sur la rente, la corruption et le farniente.
C’est que chaque zaïm connaît bien son clan : biberonné au lait du confessionnalisme, culpabilisé par son attitude complice, exalté par sa propre version de l’histoire, une version partisane qui lui procure l’illusion d’être le porte-drapeau légitime de la « résistance libanaise ».
En conséquence, le zaïm a toutes les raisons de croire que la servilité du peuple ne s’estompera pas et que ce peuple divisé en clans (et sous-clans) ne pourra jamais s’unir contre lui.
Alors pourquoi voulez-vous qu’il écoute le peuple ou qu’il le redoute ?
Par ailleurs, le Libanais n’est pas le seul à se faire gruger par cette race préhistorique. Les dinosaures politiques ont également réussi à se faire courtiser par les leaders des pays étrangers.
Pour autant, les leaders de ces pays les auraient invariablement collés en prison s’ils avaient pratiqué ne serait-ce que le centième de leurs exactions sur leur sol.
Ils ont enfin pris conscience du fait que les « dirigeants » libanais avec lesquels ils se réunissent officiellement sont comparables à ces mafieux sanguinaires et libidineux qui vont à l’église en costume du dimanche.
Mais après tout, c’est bien le bon peuple qui a élu ces gens-là, obligeant les puissances étrangères à les considérer comme leurs interlocuteurs.
Le 4 août se rapproche et ils n’ont pas honte d’être encore là, en donneurs de leçons, alors que par leur seule présence ils méprisent la souffrance des survivants et profanent les sépultures des morts.
Mais cela doit-il nous étonner ? A-t-on jamais vu un criminel invétéré exiger un procès équitable ?
C’est que nous vivons définitivement dans deux mondes différents : les mêmes coupables s’échangent les rôles et reviennent sur le devant de la scène comme si de rien n’était, alors qu’il s’agit de violeurs qui s’apprêtent à organiser une énième tournante sur la population meurtrie de Beyrouth…Tout cela pour dire, non sans une douloureuse ironie, qu’en se mettant une seconde à leur place (je ne tiendrais pas plus), on comprend bien qu’ils sont irrécupérables et que, par conséquent, ils ne peuvent qu’aller jusqu’au bout de leurs rituels macabres.
Une mauvaise herbe ne peut pas miraculeusement se muer en cèdre.
Et si après des décennies de laisser-aller, la mauvaise herbe en vient à étouffer le cèdre, il devient impératif de l’arracher.
C’est la seule solution.
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